L'impact écologique des "pilules récréatives"

Les drogues en vogue dans les milieux festifs, comme les pilules d’ecstasy ou de MDMA, se vendent au prix de 5 euros l'unité. Celles et ceux qui pensent que c'est le seul "prix" à payer pour quelques heures de défonce seront déçus. "En plus du risque qu’elles représentent pour la santé, ces drogues causent des dommages environnementaux en raison des rejets de déchets issus de leur production", explique le commissaire Marc Vancoillie.

L'impact écologique des "pilules récréatives"

"Les consommateurs doivent prendre conscience qu'ils ont, d'une certaine manière, une part de responsabilité dans cette pollution de l’environnement". 

La Belgique et les Pays-Bas ont le triste honneur d'être le berceau des drogues de synthèse telles que l'ecstasy et la MDMA. Des dizaines de laboratoires clandestins de production de drogue ont été démantelés ces dernières années. Effet pervers de la fabrication de ces pilules et du broyage de ces poudres : des tonnes de déchets chimiques résiduels abandonnés clandestinement et sans scrupules par les trafiquants de drogue. En 2022, le Clan Lab Response Team est intervenu à 83 reprises pour démanteler des laboratoires, des dépôts clandestins ou des lieux de stockage. Au total, 42 de ces interventions concernaient des décharges de déchets chimiques issus de stupéfiants.  

Le commissaire Dans dirige le Clan Lab Response Unit (CRU), une équipe multidisciplinaire rompue au démantèlement des laboratoires de drogue et composée de quatre enquêteurs de la Direction de la lutte contre la criminalité grave et organisée (DJSOC/Drogue), d’officiers spécialisés des services d’incendie et d’enquêteurs forensiques du département Drogues de l’Institut national de criminalistique et de criminologie (INCC).  

"La production d’un kilo de MDMA génère environ 10 kilos de déchets chimiques", explique le commissaire Etienne Dans. "Pour vous donner une idée, nous avons découvert l’année passée, en Flandre occidentale, un laboratoire de drogue en activité dont la capacité de production dépassait 500 kilos de MDMA par semaine. Sur la base du matériel trouvé sur le site, nous avons pu établir qu’une quantité approximative de 3 000 kilos de MDMA y avait été produite. Cela équivaut à 19,5 millions de pilules et 30 tonnes de déchets, qui se sont volatilisés dans la nature, au sens propre comme figuré. 

"La répartition géographique des dépôts clandestins connaît une évolution marquante", précise le commissaire Marc Vancoillie, chef du service Drogue à DJSOC. Par le passé, c’était le Limbourg, et plus particulièrement sa partie frontalière avec les Pays-Bas, qui présentait le plus de signes d’activité. Cependant, en 2022, c’est la province de Liège qui s’est taillé la part du lion, avec 16 dépôts clandestins. Le phénomène prend de l’ampleur : c’est un constat inquiétant. Malgré cette évolution géographique, les suspects dans la majorité des dossiers de production de drogues de synthèse sont encore et toujours des Néerlandais. Outre le fait que ce type de trafic est vraisemblablement en plein essor, la menace que représentent ces laboratoires et ces décharges pour les êtres humains et l’environnement constitue une autre source d’inquiétude. 

Des fûts bleus

Les fûts bleus ou blancs, abandonnés en rue ou en pleine nature, sont caractéristiques des dépôts clandestins de déchets chimiques issus de la production de drogue. "Il faut rester à bonne distance et appeler la police", prévient Etienne Dans. "La prudence est de mise, car ce sont des produits dangereux : des acides corrosifs, de l’acétone, de l’éthanol, de l’ammoniac, du formamide ou encore d’autres substances toxiques. À l’endroit même où les déchets sont déposés, la concentration en matières toxiques est parfois si élevée qu’elle entraîne la disparition de la faune et de la flore. 

Les services de police de première ligne évaluent le danger et mettent en place un périmètre. Normalement, le Clan Lab Response Team est appelé sur les lieux et sollicite si nécessaire l’intervention d’un service spécialisé ou de la protection civile pour évacuer les déchets et assainir les lieux. 

Chaîne alimentaire

Depuis 2017, le Clan Lab Response Team est sollicité entre 24 et 42 fois par an suite à la découverte de dépôts clandestins de déchets liés à la drogue. Cela peut sembler paradoxal, mais moins on découvre de dépôts clandestins, plus la situation est préoccupante. Car il y a alors tout lieu de s’interroger sur la destination finale des déchets issus de la drogue :  égouts, cours d’eau... En raison de ce flux invisible de déchets, nous ne pouvons que faire des suppositions quant à l'ampleur réelle de l'impact environnemental de la production des drogues de synthèse. Les scientifiques forensiques ont mis au jour des décharges sauvages dans des fosses à fumier et trouvé des résidus d’amphétamines dans des organismes vivants. Il est donc parfaitement concevable que des déchets de stupéfiants se retrouvent dans l’eau potable et la chaîne alimentaire.  

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