Disparitions inquiétantes : le respect pour les familles est primordial
La disparition inquiétante d’un proche est un événement traumatisant pour l’entourage. Pour y faire face et par respect envers les familles, toutes les forces vives se mobilisent afin d’agir le plus rapidement possible.
Il n’y a rien de plus précieux qu’une vie humaine. Cette idée trotte dans la tête de chaque policier, d’autant plus s’il est impliqué dans la recherche de personnes disparues. « Notre objectif consiste à donner une réponse aux familles le plus rapidement possible. Et il vaut mieux une réponse négative que de ne pas leur donner de réponse. Il n’y a rien de pire que de ne pas savoir», affirme le commissaire Alain Remue, chef de la cellule Personnes disparues (Direction centrale des opérations de police judiciaire – DJO) depuis 26 ans. Le respect mutuel est au cœur de l’exercice de la mission de la cellule. « Même s’il est parfois difficile, c’est le plus beau métier que j’ai pu exercer depuis mon entrée à la gendarmerie, il y a 43 ans. » Et Alain Remue de revenir sur un événement récent. « La frontière entre la vie et la mort est ténue et nous sommes en mesure de faire la différence. Il y a peu, nous avons sauvé juste à temps une personne de 87 ans bloquée derrière un mur. Nous n’aurions jamais pu la retrouver sans une intervention rapide et la mobilisation de toutes les équipes ! »
En effet, c’est le réseau de partenaires qui fait la différence. « Nous sommes 16 policiers, plus un appui administratif. Nous intervenons comme coordinateurs à la demande de la Police Locale ou des unités de la Police Fédérale. Mais lors des interventions, une centaine de partenaires peuvent être mobilisés au départ d’une demande introduite auprès de la Direction des opérations de police administrative (DAO). Cela va de l’Appui aérien à la brigade canine, en passant par la Police de la Navigation, les pompiers, l’armée, Child Focus, la protection civile,…»
« Rien de comparable à retrouver quelqu’un en vie »
Parmi les partenaires, l’Appui canin joue un rôle majeur dans la recherche des disparus. « Nous disposons de 16 maîtres-chiens pisteurs. Quatre sont de garde tous les jours et prêts à intervenir à chaque instant. A côté de cela, il existe aussi une équipe de maîtres-chiens « restes humains » avec qui on collabore lorsque la disparition dépasse les 72 heures… », explique l’inspecteur principal David Cant, en charge de l’équipe des maîtres-chiens pisteurs depuis 2016.
En 2021, son team est parvenu à retrouver 161 personnes grâce au flair des chiens ! «76 étaient des individus en fuite et 85 étaient des personnes disparues, dont 37 auraient probablement trouvé la mort si on ne les avait pas retrouvées à temps…» L’engagement des chiens constitue un atout irremplaçable. « Une personne laisse toujours derrière elle une odeur et seul le chien peut la détecter. C’est une grande satisfaction pour nous et une formidable source de motivation de retrouver une personne en vie ! Arrêter un criminel est satisfaisant mais rien n’est comparable à une vie humaine. »
« Besoin de la vérité »
Les équipes impliquées dans des enquêtes de disparitions ont aussi pour mission d’exposer honnêtement la situation aux familles, par respect pour elles. « Les proches ont besoin de la vérité. Il faut ainsi parfois les prévenir qu'un corps immergé dans l’eau sera peut-être difficilement reconnaissable. Il faut les préparer au choc. », ajoute Alain Remue.
Pour les équipes aussi, se voir confronter à ces situations est difficile. « Notre quotidien, ce sont surtout des disparitions inquiétantes, des fugues ou des personnes tombées accidentellement à l’eau. Les meurtres et la mort d’enfants sont plus rares mais il faut apprendre à vivre avec… » L’esprit d’équipe les aide à tenir : « Chez nous, le grade ne joue aucun rôle. Chacun apporte son expertise et tout le monde travaille avec tout le monde, c’est ce qui fait notre force. » L’investissement est également très grand du côté des maîtres-chiens. « Les maîtres-chiens commencent très tôt le matin, les pisteurs travaillent la nuit et les week-ends. Il y a aussi la charge psycho-sociale du fait d’avoir potentiellement manqué un élément essentiel… Pour tout cela, la force du groupe est primordiale. Des débriefings ont lieu après les missions et chacun échange sur ce qu’il a vécu », confie le premier commissaire divisionnaire Rony Vandaele, responsable de la Direction de l’appui canin.
Un respect mutuel règne aussi dans les équipes. « On accumule les souvenirs aux quatre coins de la Belgique, les collègues nous connaissent bien », sourit David Cant. Parmi les partenaires fréquents des maîtres-chiens, on retrouve la protection civile et l’Appui aérien (DAFA). « L’hélicoptère nous aide pour les recherches dans les prairies alors qu’on se concentre sur les zones boisées. Quant à la protection civile, elle intervient lors de recherches dans les décombres d’une catastrophe, où nous agissons plutôt en deuxième ligne. »
Un travail d’accompagnement
Dans le cadre d’une disparition, les services d’assistance policière aux victimes (SAPV) exercent aussi un rôle prépondérant. « Nous fonctionnons par binômes qui regroupent un enquêteur ou une enquêtrice et une personne du SAPV. Elle provient de la Police Locale ou de la Police Fédérale, en fonction de la situation », explique la première conseillère Sophie Vandecruys, collaboratrice personnelle du directeur général de la police administrative (DGA) et coordinatrice nationale Assistance policière aux victimes pour la Police Fédérale.
Outre une vingtaine d’assistants sociaux de la Police Fédérale évoluant dans les arrondissements, quelque 500 policiers de référence sont formés à l’assistance aux victimes pour la Police Locale. «Nous sommes présents aux côtés des familles des victimes, nous les accompagnons, nous les informons sur ce qui se passe, nous les préparons aussi au pire. Les familles sont en attente d’informations et le plus pénible est de ne rien savoir. »
Sophie Vandecruys coordonne la cellule fédérale et reste en contact régulier avec son homologue de la Commission Permanente de la Police Locale. « Mes formations en victimologie et mon parcours professionnel m’ont poussée à m’investir pour le droit des victimes que je trouve essentiel. »
Ces dernières années, Sophie a vu la relation avec les citoyens évoluer. « Maintenant, chacun veut mener son enquête, prendre des photos et les partager sur les réseaux sociaux. Le défi pour nos services de police, c’est de prévenir les proches des victimes avant que l’information ne se retrouve dans les médias… »
Affronter des drames n’est facile ni pour les familles, ni pour les services de police qui peuvent aussi se faire aider. « Ils ont la possibilité de s’adresser au Stressteam ou à moi mais peuvent aussi faire appel à un accompagnement externe. Après des catastrophes comme les inondations, des débriefings émotionnels sont organisés. »
Un lien de confiance
Pour les services de police, un lien de confiance doit s’établir avec les familles. « Les heures d’attente avant de retrouver un proche semblent toujours interminables. C’est pourquoi les familles doivent être mises au courant de l’avancement de nos enquêtes. Dans ce sens-là aussi, un respect mutuel doit s’instaurer. » Suite aux enquêtes, des liens forts se tissent parfois avec les familles. « Nous sommes les dernières personnes qui les lient à leurs proches et il arrive que certaines familles gardent contact avec nous. Je connais des parents qui viennent chaque année à l’anniversaire du décès de leur fils apporter une tarte aux équipes… »
Entre collègues, le respect mutuel prévaut également. « Bénéficier de l’intervention des SAPV permet aux policiers de se concentrer sur l’enquête. Nous sommes complémentaires dans nos missions en poursuivant le même objectif : donner une réponse aux familles », achève Sophie Vandecruys.