Un témoin bavard est-il plus fiable qu’un témoin réticent ?

Dans le cadre d'une enquête criminelle, disciplinaire, de contrôle interne ou autre, l’audition des témoins revêt beaucoup d’importance. Comment interpréter les réactions de chacun ? Un témoin sympathique et bavard est-il a priori fiable ? Un témoin réticent ou hostile est-il suspect ?



On parle ici de témoins ordinaires par distinction avec les témoins experts qui participent en quelque sorte à l'enquête, en raison de leur formation et de leur expérience professionnelle (médecins, toxicologues, experts en explosifs et en balistique, experts comptables, etc.).

 

© DGPN-SICoP

Sept types de témoins ?



En fonction de leur personnalité et selon la manière avec laquelle les témoins répondent aux questions posées, John Bowden (Orlando Police Department) estime que l'on peut identifier schématiquement sept groupes. L'enquêteur peut donc adopter une stratégie d'interview en fonction du type de témoin qu'il a devant lui.



Le témoin coopérant de bonne foi 



Ce type de témoin possède des informations pertinentes et désire les porter à la connaissance de l’enquêteur. Il cherche à rendre service. Il est a priori honnête, mais pour en être sûr, il faut chercher à savoir s'il n'a pas une motivation cachée à vouloir collaborer.

Une fois qu'on est certain de sa bonne foi, il faut s'assurer de pouvoir obtenir toutes les informations qu'il possède et les mettre en parallèle avec celles recueillies auprès des autres témoins. On ne peut pas perdre de vue qu'un témoin de bonne foi peut se tromper. Il donne des informations auxquelles il croit fermement et s'il induit l'enquêteur en erreur, ce n'est pas intentionnel.

Nombre d'erreurs judiciaires sont dues à des témoignages défaillants ou à de faux souvenirs résultant d'erreurs de perception ou de mémoire. Ceux-ci peuvent être contaminés par les propres attentes du témoin, par des contacts avec d'autres personnes ou encore par des questions suggestives posées par l'enquêteur.

Comme dit l'adage et comme le confirment de nombreuses expériences de psychologie, il n'y a rien de plus fragile que le témoignage humain. Il est donc impératif de recouper tous les témoignages avec les récits d'autres témoins et bien entendu, en matière judiciaire, par des éléments produits par la police scientifique, la médecine légale, la balistique et autres disciplines connexes. 



Le témoin silencieux ou qui prétend ne rien avoir vu, ni entendu



A priori, il est dans la nature humaine de parler et de répondre aux questions posées. Certaines personnes cependant ne souhaitent pas être impliquées d'une façon ou d'une autre dans l'enquête ; elles se bornent à décliner leur identité et cherchent à éluder les questions.

Il est difficile d'interroger ce genre de témoin, mais par une patiente attitude d'ouverture, il est souvent possible d'en obtenir quelque chose. 

 

Le témoin réticent ou suspicieux



Il s'agit ici d'une personne qui possède des informations sur l'affaire en cause mais hésite à les partager avec l'enquêteur. Les raisons de sa réticence se trouvent dans la peur d'une éventuelle vengeance de la part de l'auteur des faits ou de son entourage ou encore l'obligation de devoir rester en contact avec la police et d'être appelé à témoigner publiquement en justice.

On pense par exemple au cas d'un collègue du prévenu qui prétend ne rien savoir car c'est toujours délicat de témoigner contre quelqu'un que l'on côtoie professionnellement tous les jours.

Autre exemple : un couple illégitime est témoin d'un vol à main armée dans un hôtel de rencontre où il passe la soirée. L'homme qui est censé avoir invité un client pour un dîner d'affaire dans un restaurant, hésite à témoigner de peur que son épouse apprenne qu'il la trompe.

Ici aussi, l'enquêteur doit adopter une attitude d'ouverture et s'efforcer à ce que le témoin fasse de même. Il doit faire appel à son sens civique et recourir à des stratégies d'argumentation, de persuasion et de négociation, en le rassurant au besoin.





Le témoin timide



C’est peut-être quelqu'un qui n'a pas l'habitude de parler à la police, mais cela peut être aussi le cas d'une personne qui a été victime de maltraitance ou d'abus sexuels.

Il faut faire preuve d'empathie et d'intérêt pour la personne et prendre le temps de la mettre à l'aise en vue de créer une relation d'aide susceptible d'obtenir une déclaration de sa part.

 

Le témoin hostile, récalcitrant et trompeur



Il cherche à entraver le bon déroulement de l'enquête. Lorsque l'enquêteur est convaincu des mensonges de son interlocuteur, il cherche à en comprendre les raisons ou les motifs sous-jacents.

Cela peut venir d'une aversion pour la police ou bien du désir de venir en aide à l'auteur des faits, une forme de sympathie pour lui. Dans ce cas, cela peut donner une nouvelle orientation à l'enquête. La bonne stratégie est alors de rassembler autant de preuves matérielles que possible de sa mauvaise foi, en vue d'engager une éventuelle procédure à son encontre.





Le témoin bavard ou vantard



Nous avons ici affaire à un individu qui, de manière ostentatoire se montre disposé à collaborer avec la police. Il prend plaisir à donner des informations et à se sentir impliqué dans l'enquête ; il se pose en quelque sorte comme un auxiliaire de la police. C'est notamment parfois le cas des informateurs et des indicateurs. Certains sont de véritables fanfarons.

Ce type de témoin peut être précieux dans sa volonté de fournir des renseignements, mais ceux-ci doivent être encore davantage contrôlés et corroborés par tout autre élément recueilli par ailleurs. Il peut aussi être dangereux dans le sens où les informations qu'il donne sont peut-être surestimées, exagérées ou embellies. Ce type de témoin pollue l'enquête à sa manière, en se voulant important. Il peut être plus dangereux encore si d'une manière ou d'une autre, il cherche parfois à prendre un certain contrôle sur les investigations. Il y a risque de manipulation.





Le témoin sous influence



Il n'est pas rare de rencontrer des témoins en état d'ébriété : entendons par là, des individus qui ont bu quelques verres mais qui sont toujours relativement cohérents et qui peuvent communiquer. Qu'en est-il de la fiabilité de leurs informations ? Disent-ils vrai ?

La réponse est généralement oui. Quand une personne boit, elle est libérée de ses inhibitions et encline à parler plus librement à d'autres, y compris des policiers. Elle partage plus facilement des informations personnelles, voire intimes qu'elle ne révélerait normalement pas en état d'abstinence. On peut considérer que ce qu'ils disent correspond généralement à la vérité. C'est le vieux dicton latin qui le dit : "In Vino, Veritas" - "Dans le vin, est la vérité". Cela dépend bien entendu du degré d'ébriété. Un témoin dans une crise de delirium tremens ou dans un état semi-comateux ne sera évidemment pas crédible, si tant est qu'il puisse être entendu.



Enfin, notons également :

On peut faire d'autres distinctions entre les témoins, selon l'âge ou le sexe, ou encore selon qu'il s'agit de témoins oculaires ou auditifs, de témoins directs ou indirects.

Qu'en est-il de l'état émotif du témoin ? Il va sans dire que les événements pour lesquels les témoins sont sollicités, sont susceptibles de produire des émotions plus ou moins fortes, parfois traumatisantes ; certains témoins sont plus affectés par le stress que d'autres. A cela peut s'ajouter le stress secondaire d'avoir affaire à la police.





Jean-Paul WUYTS

Commissaire divisionnaire er

Licencié en criminologie et psychologie

Auteur du site Psycripol





Sources :

https://www.app.college.police.uk/app-content/investigations/victims-and-witnesses/

https://www.policeone.com/investigations/articles/7787318-7-types-of-witnesses-and-how-to-interview-them/