Agression verbale en intervention : éviter l'escalade

Pour ceux qui portent secours et représentent l'autorité, les tensions peuvent apparaître en tout lieu, à tout moment. Un mot, un geste incompris peuvent engendrer un dérapage. Comment maintenir le dialogue en situation de crise ?

La violence verbale, une fois frontale, blessante et inattendue, risque de faire basculer le plus aguerri des intervenants dans une confrontation physique. Être capable de maintenir le dialogue devient alors fondamental.

Une personne qui parle et réfléchit pour argumenter et répondre à des questions, a plus de mal à passer de l’agression verbale à l’agression physique. Comment respecter le cadre professionnel, l’uniforme porté qu’il s'agisse de policiers, de pompiers, d’infirmiers, … en se mettant en miroir face à vos agresseurs ? 

© Secunews

Le verbal – le paraverbal – le non verbal

Dans la communication, ce que nous retenons d’un échange ordinaire est essentiellement lié au paraverbal et non verbal qui représentent 93% de l’information captée.

En situation de crise, il est essentiel pour le personnel de secours d’acquérir une quasi maîtrise de ces deux dimensions du message qu’ils souhaitent transmettre. La manière de communiquer déterminera bien souvent la suite des évènements.

  • Le paraverbal (38%) est lié au rythme de la parole, à sa force et à sa rapidité, au timbre et à la mélodie de la voix, … Il peut générer à lui seul un ressenti agréable ou désagréable.

    Petit exercice : Récitez un texte quelconque à votre chien en variant le ton de votre voix de doux, lent, gentil à celui de fort, rapide, plus brutal. Et observez ses réactions. Imaginez-vous ensuite faire de même à votre enfant, votre partenaire, un collègue …
  • Le non-verbal (55%) est lié à la respiration, aux positions du corps et de la tête, à la gestuelle ou encore aux micro-gestes (variation de couleur de certaines zones du visage, changement de la forme de la bouche, des narines, des yeux, etc…)
  • Le verbal (7 %) correspond au sens littéral des mots employés



Il en découle que lors d’une agression verbale, une bonne maîtrise d’une technique de communication (p.e. de négociation, d’écoute active) sera d’autant plus opérante, si :

  • Vous faites preuve d’empathie et êtes bienveillant.

    Vous devez avoir réellement envie d’aider, d’apporter votre soutien, de négocier. Si ce n’est pas le cas, la personne en crise le ressentira et vous le fera savoir à sa façon.
  • Vous maintenez la juste « distance » avec la personne : ni trop proche, ni trop distant.
  • Vous faites preuve d’intérêt à ce qu’elle vous dit, vous lui posez des questions pour comprendre de manière plus précise son problème.
  • Vous êtes réellement disponible, et suffisamment patient … même en fin de service.

L’importance du premier contact est primordiale et peut influencer l’issue de la situation. La grande majorité des situations de crise sont résolues par la parole, les bons mots, les bons gestes à faire ou à ne pas faire.





La gestion des émotions

Selon les moments, les situations, et les personnes que l’on a en face de soi, même l’intervenant le plus aguerri peut tomber dans le piège tendu de répondre à une agression verbale et ainsi déclencher une escalade musclée dans une situation au départ des plus banales.

Sous l’emprise de ses émotions, cet intervenant – qui reste un être humain et a donc droit à l’erreur – n’est en réalité plus disponible, plus conscient de ce qui se passe. Il n’est plus présent ni à lui-même ni à l’agresseur, ni à ses équipiers, ni aux autres personnes présentes dans la situation qu’il doit gérer.

A l’inverse, lorsque nous gérons nos émotions, notre fatigue voire notre égo, nous sommes capables de recourir à l’une des techniques de gestion de conflits que nous avons intégrées par un entraînement régulier, seul et en équipe. Et cela, selon notre état d’esprit du moment, de notre personnalité, du risque de passage à l’acte ou non ou encore du résultat qui nous paraît le plus honorable dans la situation.





La méthode E.R.I.C. : un outil de résolution lorsqu’il y a désaccord verbal

Cet outil de résolution d’un conflit verbal doit être utilisé dès qu’il y a désaccord, pour maintenir le dialogue. Le but est d’éviter la rupture de la communication. Il permet également de prévenir et d’anticiper les conflits en situation d’intervention.

ECOUTER

Au moindre sentiment qui laisse penser que vous n’écoutez pas, la situation peut dégénérer dans la seconde qui suit. Prenez donc le temps de comprendre le message de votre interlocuteur.

Que veut-il vous dire ? Quelles sont ses intentions ? Quelle est sa demande ?

Ecouter c’est déjà prendre en considération celui qui est face à vous. C’est lui donner de l’importance, de la reconnaissance : votre interlocuteur existe, n’est plus anonyme et peut dès lors se calmer.

Mais écouter activement, c’est aussi rester disponible, en pleine présence à l’autre sans réfléchir ou penser à la question suivante que vous vous imaginez déjà devoir lui poser. Suivre la logique de l’autre et non la vôtre est un exercice difficile mais essentiel pour éviter tout malentendu préjudiciable.



REFORMULER

Sous l’emprise des émotions, des passions, sous l’effet de l’alcool ou de drogues, … celui qui est en colère ou agressif va vouloir vous convaincre. Reprendre la parole en reformulant ses propos reste dans ce type de situation, une façon de témoigner de l’intérêt à votre interlocuteur tout en gardant le fil de ses intentions.

N’allez pas trop vite, vos propos m’intéressent… Si j’ai bien compris, vous me dites que… Avant d’aller plus loin, vous m’expliquez que… 

Le truc est donc de l’interrompre, de façon (réellement) intéressée pour instaurer un dialogue. C’est le complément à l’écoute : le fait de reformuler les propos utilisés par votre interlocuteur va arrêter son flot de paroles, le temps de vous écouter. En plus de l’apaiser, cela vous donnera l’occasion de vérifier ses propos tout en évitant tout malentendu ou incompréhension.



INTERROGER



Poser des questions simples, claires et précises qui vont pousser votre interlocuteur à la réflexion :

Vous ne voulez pas venir à l’hôpital, êtes-vous certaine que votre état ne va pas se dégrader dans les prochaines heures ? Si j’ai bien compris, vous ne voulez pas que nous rentrions dans votre appartement… Est-il normal qu’on entende un enfant pleurer de la sorte ?  

 

CONFIRMER

Après avoir entendu la réponse de votre interlocuteur ainsi que son avis, donnez le vôtre. Posez le cadre dont vous êtes le garant : Vous devez comprendre qu’on ne peut pas vous laisser repartir en voiture vu votre état. 

Ce type de phrase souligne que vous n’avez pas le pouvoir d’accepter sa demande.

Vous êtes le garant d’une règle. Ce n’est pas que vous ne voulez pas, c’est que vous ne pouvez pas ! Vous comprenez sa demande mais il lui faut entendre raison.



La méthode ERIC instaure une « boucle de communication verbale » de nature à résoudre la quasi-totalité des conflits verbaux en évitant qu’ils ne se transforment en agression physique. Ce type d’outil vous facilite aussi la détection du moment où, dans une situation de crise, il y a un risque de rupture de communication et donc de passage à l’acte.



Article à suivre : Agression en intervention : quand le passage à l’acte est imminent

Cet article s’est inspiré des techniques développées par GESIVI. Pour aller plus loin : www.gesivi.fr

 

Thierry DEROUA

Commissaire Divisionnaire e.r.

Trainer en attitude coachante

Praticien en Relaxothérapie ® - Accompagnement du Stress et du Traumatisme

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