La répression de l’infraction de sexisme

Chaque jour, des personnes, principalement des femmes, sont victimes de sexisme et de discrimination. La Belgique fut un des premiers pays au monde à incriminer ce comportement par la loi du 22 mai 2014. Néanmoins des lacunes persistent.

 

© asbl BRAVVO - Cyrus Pâques

Le cadre légal

La loi de 2014 est née à la suite du reportage de Sofie Peeters, « Femme de la rue », dans lequel elle était filmée dans les rues de Bruxelles et harcelée, qui a connu une grande audience[1].

D'après la loi, pour être considéré comme sexiste, le comportement doit présenter simultanément 5 caractéristiques :

  • la loi condamne les actes dégradants tant physiques que verbaux, tels que les insultes et les gestes obscènes. La loi vise également les publications sur les réseaux sociaux.
  • le comportement doit avoir lieu dans des circonstances publiques (dans un lieu public ou en présence d'autres personnes). La loi considère aussi les forums internet ou les réseaux sociaux comme des espaces publics.
  • le contrevenant doit avoir agi volontairement dans le but manifeste de nuire à la victime. Cette intention peut se déduire de l'attitude ou du comportement de l'auteur mais aussi de l'acte en lui-même.
  • le comportement ou les propos s'adressent à une ou plusieurs personnes clairement définies en raison de leur sexe et clairement identifiables. Les publicités sexistes ne sont donc pas visées par la loi.
  • l'auteur a clairement l'intention d'humilier/de mépriser la personne en raison de son sexe avec pour conséquence une atteinte grave à la dignité de cette personne. La victime est considérée comme inférieure ou réduite à sa dimension sexuelle.

     

Les lacunes de la loi

Bien qu’elle soit très attendue et utile, la principale difficulté de la loi est qu’elle impose que les actes dégradants tant physiques que verbaux aient lieu dans l’espace public.

La loi vise donc l’infraction commise dans l’espace public et également sur les réseaux sociaux. Par contre, les injures et/ou menaces sexistes reçues par courriel privé ne rentrent pas dans son champ d’application.

Or, bon nombre de victimes qui sont insultées publiquement, via les réseaux le plus souvent, sont aussi harcelées ensuite dans le privé, que ce soit par email ou par courrier directement dans la boîte aux lettres. Le harcèlement ne s’arrête pas une fois l’ordinateur éteint, c’est ce qu’elles déclarent le plus souvent. Elles sont aussi suivies dans la rue ou le métro sans aucun témoin… Les victimes de ces faits peuvent déposer plainte pour harcèlement dans ces cas mais la loi sur le sexisme manque son objectif en ne leur permettant pas de le faire sur cette base.

Un autre écueil de la loi sur le sexisme est qu’il faut que l’injure sexiste concerne une personne en particulier.

Par conséquent, toutes les remarques ou allusions sexistes que l’on retrouve dans les médias ou les publicités ne sont pas poursuivies non plus. Par exemple : « les femmes ne savent pas conduire », « les femmes, ces êtres si fragiles » etc.

Enfin, on se rend compte que les victimes ignorent l’existence de cette loi et que dès lors, trop peu de plaintes sont déposées.



Sanction pénale et pistes de solution

Des propositions de loi sont en cours afin de remédier aux difficultés susmentionnées, et d’éviter l’impunité totale qui existe dans trop de situations.

Quand les tribunaux sont saisis, c'est le juge qui déterminera si les faits sont de nature à constituer une atteinte grave à la dignité. La jurisprudence est peu nombreuse à ce jour.

On rappelle que la loi sur le sexisme permet de sanctionner des actes mais aussi des propos tenus par le fauteur de trouble.

Toute personne condamnée sur base de la loi contre le sexisme s'expose à une peine d'emprisonnement d'un mois à un an et/ou d'une amende de 50 à 1.000 euros.

On peut citer comme pistes d'amélioration :

- Mieux faire connaître du grand public la définition du sexisme et le centre d’appel d’aide gratuit (107)

- Sensibiliser les jeunes qui peuvent être témoins de sexisme/harcèlement sexuel pour qu’ils/elles puissent réagir adéquatement.

- Sensibiliser les acteurs de terrain (transports publics, gardiens de la paix, éducateurs sociaux, policiers, …) à bien réagir et à fournir l'aide adéquate aux victimes.



Valérie SAINT-GHISLAIN

Avocat au Barreau de Mons



Annexes :

https://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/downloads/22_mai_2014._-_loi_tendant_a_lutter_contre_le_sexisme.pdf

https://igvm-iefh.belgium.be/sites/default/files/92_-_lutter_contre_le_sexisme_fr.pdf

https://www.senate.be/www/?MIval=/index_senate&MENUID=54000&LANG=fr&PAGE=/event/20220114_plenary-session/20220114_plenary-session_fr.html

https://www.senate.be/www/?MIval=/dossier&LEG=7&NR=80&LANG=fr

 

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