La criminalité liée aux déchets

Un souci légitime et croissant pour les questions écologiques suscite la mise en œuvre de nombreuses initiatives contre les déversements illégaux de déchets. Nous allons voir qu’il ne s’agit pas seulement d’incivilités mais aussi de criminalité.

© Police Fédérale - Inforevue

Des modes opératoires diversifiés 

Si l’on déplore des comportements individuels consistant à déverser dans la nature quelques déchets ménagers et autres objets polluants, lorsqu’il est question de criminalité, nous atteignons une autre dimension et nous observons d’autres comportements.

Quelques exemples de modes opératoires habituels éclaireront le caractère organisé de cette délinquance :

  • L’exploitation de sites illégaux de déchets et leur traitement hors des règles en la matière. Soit que l’activité s’exerce sans autorisation ; soit que l’autorisation est contournée ;
  • Le déversement sauvage dans un champ, en bord de route, sur des sites désaffectés, etc., pour le compte d’entreprises complices ou non ;
  • L’enlèvement de déchets apparemment réglementairement contre paiement alors qu’ils seront en fait incinérés ou enterrés hors des lieux prévus à cet effet ;
  • L’exportation illégale de déchets (notamment de produits toxiques), etc.

Bien souvent, il s’agira de matières « dangereuses » dont le recyclage par les circuits autorisés est particulièrement onéreux, d’où l’intérêt pour les filières criminelles de s’impliquer. On pourra citer : des déchets électroniques (ex : ordinateurs usagés), des produits chimiques (ex : dioxine), des déchets industriels (asbeste…), etc.   

 

Des conséquences lourdes 

Il est évident que ces comportements ont des effets dommageables importants sur l’environnement et, dès lors, en matière de santé publique. On se rappellera que la Camorra avait reçu des centaines de millions d’euros pour enfouir des déchets dans des grottes, des puits,…, et en répandre sur des terrains en jachère ensuite incendiés. Conséquences : des mozzarellas « di bufala » contaminées à la dioxine, des choux-fleurs fluos et une explosion du nombre de cancers.

A cela s’ajoutent une multitude d’effets indirects, notamment : une atteinte à l’économie due à la perte de confiance pour la production locale, une diminution des investissements, des dommages à l’écosystème, des coûts à supporter par les contribuables, une diminution de l’intérêt touristique, l’enrichissement de bandes criminelles avec son lot d’infractions (corruption, évasion fiscale, blanchiment, etc.).

 

Que peut-on faire ? 

Sans doute devons-nous prendre conscience du caractère prioritaire de ce type de délinquance favorisée par sa rentabilité et sa relative impunité. A cette fin, comme le soulignent de nombreux observateurs, une image transnationale du phénomène fait défaut.

Il est aussi probable que nous devrions mieux intégrer les conseils vertueux en matière de consommation, d’utilisation de plastique, de tris, etc. En d’autres termes, il faut prévenir la création de déchets et encourager l’économie circulaire. Néanmoins, cela restera insuffisant.

Les mesures administratives et judiciaires existantes doivent être renforcées. On peut notamment penser aux propositions suivantes :

  • Améliorer les connaissances : Il est nécessaire de mieux étudier le phénomène dans toute sa complexité (modes opératoires, hots spots, etc.) et de recueillir les bons renseignements sur les criminels les plus actifs. Il s’agit d’une initiative première qui permettra de mieux orienter les actions ;
  • Il convient de travailler en partenariat en intégrant toutes les parties prenantes (police, justice, agents forestiers, industriels, agences locales, etc.) et de partager les informations utiles. L’implication d’Interpol et d’Europol est avérée et indispensable au vu du caractère international de certaines pratiques ;
  • Sur le plan administratif, on doit prendre les mesures adéquates afin de favoriser les activités légales de recyclage voire d’encourager particuliers et industriels à s’adresser aux entreprises agréées (contrôles, mesures positives d’encouragement, etc.). Quant à certaines autorisations de gérer des déchets particuliers (ex : ferraille), elles pourraient être mieux contrôlées en amont et en aval de l’activité ;
  • Il convient d’adapter le cadre législatif permettant de travailler en partenariat, notamment sur un plan international, et d’utiliser les méthodes d’enquête appropriées pour lutter contre une délinquance organisée (ex : surveillance des communications, etc.) ;
  • Encourager le public à signaler les activités suspectes de plus grande ampleur ;
  • Adapter le droit pénal pour sanctionner adéquatement ces faits. En effet, les amendes actuelles ne sont pas assez dissuasives et elles sont parfois considérées comme des dépenses professionnelles par des entrepreneurs peu scrupuleux. Prévoir des interdictions concernant l’exercice de certaines professions ;
  • Adopter des stratégies permettant de viser les auteurs les plus importants et les plus actifs ;
  • Imaginer les mesures nécessaires pour réunir les preuves utiles dans ce domaine spécifique (traceurs chimiques, utilisation d’outils high-tech, etc.) ;
  • Fournir les moyens adéquats aux instances répressives, notamment en utilisant le produit de saisies et d’amendes.



Claude BOTTAMEDI

Chef de corps d’une zone de police er

Sources :

Criminalité liée à la pollution , Interpol, sur :

https://www.interpol.int/fr/Infractions/Criminalite-environnementale/Criminalite-liee-a-la-pollution#

Répression de la criminalité liée aux déchets : il est temps d’arrêter de détruire notre avenir, Discours du directeur général de l’Agence de l’environnement, Sir James Bevan, sur la criminalité liée aux déchets lors d’un événement de l’Association Let’s Recycle and Environmental Services le mardi 12 avril 2022, sur : https://www.gov.uk/government/speeches/crackdown-on-waste-crime-time-to-stop-trashing-our-future

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