Témoin de harcèlement au travail : comment réagir
En milieu professionnel, de nombreuses personnes sont témoins de scènes de harcèlement. Bien que fortement réprouvées, la plupart des employés qui y sont confrontés ne réagissent pas de façon à venir en aide à la victime.
Le harcèlement au travail
Le harcèlement concerne en moyenne 15% des travailleurs avec des secteurs plus touchés tels que la santé et l’enseignement supérieur. Il s’agit de comportements abusifs d’humiliation ou d’intimidation, qui fragilisent ou menacent un travailleur ou un groupe de travailleurs. Ces actes peuvent être évidents comme des violences physiques, ou plus ambigus comme des moqueries, ou une forme d’exclusion sociale. Ils sont répétés sur une longue période et comportent des risques pour la santé mentale, physique, et/ou sociale des victimes : troubles anxiodépressifs, détérioration du climat de travail, perte de motivation, impact sur l’évolution de carrière, etc.
Dans la majorité des cas, la situation implique un abus de pouvoir, avec pour conséquences, des difficultés à se défendre. Malgré une attention plus importante portée à ce phénomène dans le milieu professionnel, 60% des personnes déclarent encore ne rien faire lorsqu’elles sont témoins de harcèlement au travail.
L’impact de l’inaction
Ne pas agir peut avoir de graves conséquences en matière de harcèlement au travail. En effet, la plupart du temps, ces comportements inappropriés se produisent devant témoins, et leurs réactions peuvent aider ou aggraver la situation des victimes. En ce sens, des études montrent que les préjudices sont plus importants chez les travailleurs lorsque l’entourage professionnel est resté inactif face au harcèlement. Une raison évoquée à cela est que la victime fait non seulement face à l’intimidation, mais doit aussi tenter de comprendre pourquoi personne ne lui est venu en aide, ce qui est une source de stress supplémentaire.
Différentes catégories de témoins
Les témoins de harcèlement au travail peuvent être catégorisés selon leur proactivité dans la résolution de la situation et selon que leur réponse vise à améliorer ou à aggraver la situation de la victime.
- Les témoins actifs et constructifs cherchent de façon proactive et directe à améliorer la situation en signalant l’harceleur à une personne de la hiérarchie ou en se confrontant directement à lui.
- Les témoins passifs et constructifs restent extérieurs à la situation mais se montrent néanmoins à l’écoute et empathiques avec la victime. Une raison évoquée face à la passivité est la crainte d’être traité d’une façon similaire dans le futur.
- Les témoins passifs et destructeurs évitent totalement tant la situation que la victime. Cette passivité peut être perçue comme une forme d’approbation des actions de l’harceleur.
- Les témoins actifs et destructeurs aggravent la situation en cautionnant explicitement l’attitude de l’harceleur, ou en créant des situations favorisant le harcèlement. Ils deviennent eux-mêmes des harceleurs secondaires.
Pourquoi rester passif
L’effet spectateur est un phénomène bien décrit en psychologie sociale. Le comportement d’aide que peut apporter une personne à une autre personne en détresse se trouve inhibé par la présence d’autres personnes au même moment. Plus le nombre de témoins qui assistent à une situation où de l’aide devrait être portée à une victime est important, plus la passivité des personnes face à la situation augmente.
Prenons pour exemple le sans-abrisme dans nos sociétés. Nous sommes tous capables de rester passifs face à des personnes en grande difficulté de vie, dont la situation nécessiterait pourtant une aide imminente. Dans des situations où une crise sociale est mieux définie, une situation de guerre par exemple, l’effet spectateur est moindre et les réactions d’aide sont plus importantes.
Au cœur de ce phénomène, deux mécanismes psychologiques : la dilution de la responsabilité avec pour conséquence la neutralisation de la culpabilité. L’influence sociale et la crainte de la désaprobation sociale peuvent également venir jouer un rôle.
Les clés pour agir
Une autre explication réside dans l’interprétation des comportements perçus. Les comportements de harcèlement peuvent être subjectifs et perçus différemment en fonction des témoins.
Afin d’agir, le témoin doit pouvoir interpréter la situation comme étant suffisamment grave. Or, des comportements harcelants peuvent être ambigus et certaines remarques peuvent être considérées comme des traits d’humour ou du second degré.
Ensuite, les témoins doivent considérer que la victime ne mérite pas d’être traitée de la sorte. Dans certaines cultures d’entreprise où la performance du groupe est primordiale, certains employés peuvent considérer certains comportements négatifs à l’endroit de certains collègues qui commettent des erreurs ou qui peuvent entraver l’activité professionnelle, comme justifiés.
Enfin, les témoins doivent penser qu’ils sont capables d’intervenir de façon efficace. Or, leur sentiment d’efficacité personnel peut être mis à mal si l’harceleur est un supérieur hiérarchique ou encore, si de précédentes tentatives ont déjà échoué.
Des pistes d’action
- Afin de ne pas rester un témoin passif, il peut être utile d’exercer son empathie et de prendre du recul face à la situation perçue, en tentant de se mettre à la place de la personne qui subit le harcèlement.
- Si le témoin se sent en sécurité, il peut également tenter d’intervenir directement pour faire cesser les comportements de harcèlement en mobilisant d’autres témoins ou en confrontant l’harceleur.
- Afin que la victime puisse se sentir soutenue après les faits, il peut être utile que le témoin puisse lui refléter ce qu’il a perçu en ne minorant pas la responsabilité de l’harceleur et en ne minimisant pas les faits.
- Le témoin peut également demander ce qu’il pourrait faire afin de lui venir en aide (l’accompagner dans une démarche de signalement par exemple).
- Éviter de montrer une attitude complaisante envers l’harceleur qui peut fréquemment tenter de chercher un soutien pour rejeter la culpabilité sur la victime.
- Si le milieu professionnel possède une cellule de bien-être au travail ou une antenne psychologique, il est important de la solliciter afin d’obtenir des pistes pour agir. La responsabilité du milieu professionnel est importante, car ce dernier devrait pouvoir offrir à ses travailleurs une politique anti harcèlement claire permettant un plan d’action précis. Les causes devraient également être investiguées afin de diminuer l’occurrence de tels comportements et par conséquent, améliorer le bien-être général au travail.
Mélanie SAEREMANS
Psychologue – Psychothérapeute
®SECUNEWS